Interview. Jacky Bornet : « Quand Star Wars est arrivé c’était le graal »

Star Wars a durablement influencé le monde du cinéma, introduisant de nouvelles technologies et un renouveau de la science-fiction. Responsable de la rubrique cinéma depuis près de 10 ans à France Télévision, Jacky Bornet, fin connaisseur de la saga Skywalker a accepté de répondre à quelques questions.

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Quels effets Star Wars a-t-il eu sur le monde du cinéma ?

Quand Star Wars est arrivé, c’était le graal. Entre 2001, l’Odyssée de l’espace et Star Wars, il n’y a pas eu grand-chose. La science-fiction des années 70 était plus centrée sur l’écologie, comme Soleil Vert (N.D.L.R film de Richard Fleischer, 1974). Ça restait un genre mineur. Star Wars avait une ambition inédite. C’est un film « expérimental » parce qu’il utilise des formes narratives qui renvoient à pleins de mythes. Il utilisait les effets spéciaux d’une manière que l’on n’avait pas vu depuis 2001. Dans Star Wars, il y a eu une utilisation pléthorique des effets spéciaux, ce qui à l’époque était extrêmement révolutionnaire. Il y a eu la création de caméras spéciales, dirigées par ordinateur pour pouvoir recréer exactement les mêmes mouvements de caméras sur une maquette, ce qui permettait de refaire des plans au millimètre près. Ça n’existait pas avant.

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Star Wars a aussi eu un effet sur le son, notamment dans les salles de cinéma…

Georges Lucas a demandé à ses collaborateurs de créer des sons bien spécifiques parce qu’il y a une multitude de sons qui ne pouvaient pas exister : des voix extraterrestres avec des langues propres, le bruit des sabres laser et des vaisseaux… Ce qui l’a mené à créer un studio dédié au son et à la création d’un label THX qui reflète un niveau d’exigence sonore. Cette approche du son au cinéma est propre à Lucas. Depuis, il y a eu une amélioration dans les salles de cinéma par rapport aux pistes sonores. Les studios américains se sont rendus compte que les sons étaient négligés et que le public était demandeur d’une meilleure qualité sonore. 

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Cela continue-t-il aujourd’hui ?

Star Wars est toujours à la pointe de la technologie au cinéma. Mais cela s’est étendu aux autres superproductions. Il suffit de voir l’impact de Christopher Nolan. Dans Inception, les gratte-ciels ont demandé des techniques inédites. A la suite du succès de Star Wars, Lucas a créé le studio Industrial Light & Magic, un studio d’effets spéciaux, qui était le meilleur au monde et l’est encore aujourd’hui. C’est un centre névralgique. Donc, oui, ça continue aujourd’hui et je pense que Star Wars restera dans cette voie-là. 

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Pourquoi est-ce devenu un tel phénomène de pop culture ? Comment expliquer un tel succès ? 

Il y avait une attente de cinéma épique. A l’époque on avait abandonné les films de genre, avec une ambition visuelle de ce niveau-là. Il n’y avait plus de films d’aventure, de péplums, de westerns… Les gens avaient une appétence, que ne soupçonnaient pas les studios. Ces derniers sont souvent très en retard sur les attentes du public. Le film est arrivé au bon moment pour toucher un maximum de personnes. Le premier film était une révolution à l’époque. En France, le terrain était préparé. Dans les années 70, il y a eu une popularisation de « l’underground », on n’appelait pas encore ça la « pop culture », avec une littérature propre dont la science-fiction. Cette dernière s’est énormément développée dans ces années-là. Quand Star Wars est arrivé, ça a drainé ces personnes-là, déjà acquises. Le film est tellement abordable avec ce récit merveilleux, que cela a répondu avec une image novatrice à cette demande. C’est pour ça que le film a accroché. La suite : l’Empire contre-attaque s’est avérée être encore meilleure. Le Retour du Jedi a offert encore plus de spectacle. Le merchandising a aussi entretenu l’intérêt pour la série. Tout ce qu’on pouvait trouver comme jouets à l’époque c’était délirant ! Aujourd’hui c’est pire !

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Économiquement parlant que vaut Star Wars ?

Un blockbuster c’est environ 200 millions de dollars, ça peut aller jusqu’à 300. Quand le premier film a été réalisé il n’avait couté que 20 millions. C’était énorme à l’époque pour de la science-fiction. 

Que pensez-vous de la stratégie de Disney par rapport à la saga ?

Disney n’est pas seul responsable. Il ne faut pas oublier que dans la réalisation du Réveil de la Force, il y a J.J Abrams, un fan de S.F. Il aurait pu faire quelque chose de bien. J’ai horreur de la dernière trilogie. Je la trouve totalement ratée. Pas d’un point de vue technique. C’est très beau… Mais qu’est-ce que c’est au final ? C’est un remake de la première. Le premier film fonctionne comme Un Nouvel Espoir, le deuxième ressemble à l’Empire contre-attaque. Je suis tellement déçu. Il y avait un tel potentiel ! Pourquoi refaire la même chose ? Par contre, je suis un grand amateur de la prélogie de Lucas. Il a repris les choses en mains, il avait les moyens techniques et financiers de faire ce qu’il voulait. Je trouve ces films splendides. Alors, que par les fans, elle est plutôt décriée. Le dernier (N.D.L.R : La Revanche des Sith) est somptueux, c’est carrément shakespearien !  

Jacky Bornet est la référence de la critique cinématographique : « j’avais la vocation critique » explique-t-il. Fasciné par la science-fiction (il est un fan inconditionnel du film de Stanley Kubrick : 2001, l’Odyssée de l’espace), il a obtenu son DEA en cinéma à la Sorbonne. Cet ancien de la Revue du Cinéma (revue française de cinéma publiée de 1945 à 1992), a souvent sorti sa plume pour écrire sur la saga Star Wars. Son premier article, en 1990, lui était même dédié.

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